LE PETIT BULLETIN
LE WEB DES SPECTACLES
Issue 600, 12/2010
Aurélie Leplatre UN BAIN DE MULTITUDEAllan McCollum nous plonge parmi 1200 prénoms et un dispositif artistique glacial au premier abord. On pourra y jouer à «Où est Charlie ?» et y réfléchir à ce qu'est une singularité dans une société de masse aujourd'hui. Jean-Emmanuel Denave
«Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude», écrit Baudelaire dans "Les Foules". Eh bien, à la Salle de bains justement, il l'est, exceptionnellement, donné à tous. Sur l'ensemble des cimaises du centre d'art et sur plusieurs tables foisonnent 1200 petits tableaux. Chacun représente, écrit en blanc sur fond noir, un prénom américain, faisant partie des 600 prénoms féminins et 600 masculins les plus usités aux Etats-Unis. Dans un premier temps, cette installation d'Allan McCollum intitulée «Each and every one of you» (2004) est un peu funèbre, froide et envahissante, on se noie parmi cette «vaste et terrifiante âme collective», selon ses propres mots. Comme dans d'autres œuvres, McCollum joue ici d'une dialectique subtile entre la production à très grande échelle et la singularité de l'objet, la masse et l'individu, l'industrie et l'art ou l'artisanat. «The Shapes Project», par exemple, est un work in progress susceptible de créer 31 milliards de formes à partir d'une matrice commune, toutes différant les unes des autres par un petit détail. On voit alors les enjeux artistiques et philosophiques du travail de McCollum s'inscrivant dans la lignée de Warhol, du minimalisme et de l'art conceptuel, des écrits de Benjamin sur «L'œuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité technique», de "Masse et puissance" d'Elias Canetti, ou du Gilles Deleuze de "Différence et répétition".
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